AJ Pénal : l’État d’urgence sanitaire ou l’État de droit mutilé

AJ Pénal : l’État d’urgence sanitaire ou l’État de droit mutilé

« La France est en guerre » disait le président François Hollande aux parlementaires réunis en Congrès à Versailles, le 16 novembre 2015, alors que l’état d’urgence avait été décrété trois jours auparavant. Cinq ans plus tard, le 16 mars 2020, c’est le président Emmanuel Macron qui martèlera à six reprises, « Nous sommes en guerre ». Les circonstances ne sont pas les mêmes, et pourtant deux présidents de la République ont fait le choix de répondre à deux situations de crise bien distinctes par l’état d’urgence, terrorisme pour l’une, pandémie pour l’autre.

Ainsi, le 23 mars 2020, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté les dispositions du nouvel article L. 3131-12 du code de la santé publique, aux termes duquel « l’état d’urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain » ainsi que des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie, « en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population(1) ». Après l’adoption le 16 mars du décret n° 2020-260 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19 et instaurant le confinement, le choix a donc été fait de créer un nouvel état d’urgence sanitaire dans le code de la santé publique – pour une durée initiale de deux mois à compter du 24 mars 2020 – distinct de celui prévu par les dispositions de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955.

S’il apparaît incontestable que l’épidémie qui s’abat sur notre pays est une crise inédite qui impose des restrictions aux libertés de toute la population, il n’en reste pas moins que le lien de parenté entre l’état d’urgence proclamé le 13 novembre 2015(2) et l’état d’urgence sanitaire est évident et préoccupant. L’élargissement des pouvoirs du préfet et du ministre de l’Intérieur afin de restreindre notamment la liberté d’aller et de venir, leur ouvrant la possibilité de prendre « toutes les mesures générales ou individuelles(3) », afin de faire appliquer et respecter les réquisitions de confinement et la fermeture de certains lieux(4), évoque ainsi les mesures de police administrative de l’état d’urgence devenues les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (ci-après « MICAS ») aux termes de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (ci-après loi « SILT ») du 30 octobre 2017. Toutefois, et c’est sans aucun doute fondamental, à la différence de l’état d’urgence tel que prévu par la loi du 3 avril 1955, qui ne devait (théoriquement) s’appliquer qu’aux personnes soupçonnées de constituer une menace pour l’ordre public, l’état d’urgence sanitaire s’applique à toute la population vivant sur le territoire français. Il ne s’agit plus de restreindre les libertés des individus à l’égard desquels « il existe des raisons sérieuses de penser » que leur comportement « constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics(5) », mais bien de restreindre celle de l’ensemble de la population, afin de « mettre fin à la catastrophe sanitaire(6) ». En conséquence, puisque toute la population est concernée, l’ensemble des domaines d’activité est touché par l’état d’urgence sanitaire.

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