L’avocat Emmanuel Daoud et l’élève-avocate Clara Auffret expliquent, dans une tribune au « Monde », combien les interventions de deux ministres de la République dans deux affaires judiciaires en cours portent atteinte à l’indépendance de la justice.
L’actualité de deux affaires très médiatisées nous conduit à rappeler les principes essentiels au bon fonctionnement de notre justice dans une société démocratique que sont la séparation des pouvoirs et la présomption d’innocence. En effet, deux ministres de la République les ont violés à l’occasion des dossiers de Jawad Bendaoud et Jonathann Daval, et dans une simultanéité de temps qui ne laisse pas d’interroger.
Tout d’abord, Nicole Belloubet, garde des sceaux, intervient sur RTL, le 30 janvier, pour disqualifier l’attitude de Jawad Bendaoud, en affirmant : « Son attitude, qui est inqualifiable lors du procès, n’a aucune conséquence sur la sanction qui lui est appliquée. »
Le lendemain matin, Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, s’exprime pour condamner les propos tenus par l’un des avocats de Jonathann Daval : « Nous dire, elle a une personnalité écrasante et c’est pour cela qu’elle a été assassinée, je trouve ça proprement scandaleux. » « En disant cela, on légitime les féminicides, on légitime le fait que tous les trois jours une femme soit tuée sous les coups de son conjoint. »
Principe fondamental
Le principe de la séparation des pouvoirs, dont Locke et Montesquieu ont été les promoteurs, est consacré à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. La volonté du président de la République – exprimée au cours de la rentrée solennelle 2018 de la Cour de cassation – d’assurer l’effectivité du principe de la séparation des pouvoirs, a été mise à mal par l’intervention de ses deux ministres.
Ainsi, Mmes Nicole Belloubet et Marlène Schiappa, en leur qualité de ministres et d’autorités publiques, ont porté indéniablement atteinte à l’indépendance de la justice, en commentant des procédures pénales en cours. La présomption d’innocence est consacrée à l’article 6§2 de la Convention européenne…
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