Le Parlement vient d'adopter le projet de loi relatif à l'entrée des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels. En soi, l'idée est louable. Mais en l’occurrence, cette énième réforme de la procédure est une grossière compilation d'erreurs, volontaires ou non. Elle est du reste éminemment regrettable.
Tout commence au mois de septembre 2010, lorsque le Président de la République reçoit dans le cadre d'une réunion informelle les députés du collectif "droite populaire". Quelques temps auparavant, la presse s'est fait l'écho du meurtre d'une joggeuse dans le Nord par un homme déjà condamné pour viol, ainsi que de la remise en liberté d'un prétendu braqueur récidiviste dans l'Isère. En réaction, les intéressés évoquent l'idée de faire participer des jurés populaires aux jugements correctionnels. On notera que, selon une méthode désormais habituelle, cette réforme est induite par un fait divers, et revendiquée comme telle puisque le lien entre les deux crimes du moment et cette nouvelle idée est expressément soulignée par les députés à la sortie de la réunion qu'ils viennent d'avoir avec le chef de l'Etat,lequel est naturellement séduit par l'idée. Première erreur: la loi ne doit pas répondre à une émotion, elle doit être le fruit d'une réflexion, sereine, nourrie de l'expérience ancienne, et certainement pas une réaction à chaud empruntant à l'émoi (légitime au demeurant). En matière législative, a fortiori en matière pénale, l'impulsivité n'est pas gage de qualité. En l’occurrence, l'usage de la procédure législative d'urgence pour adopter cette réforme en dit long sur les inclinaisons décomplexées auxquelles celle-ci obéit.
Emmanuel Mercinier, Avocat à la cour, cabinet VIGO