Le droit pénal européen est une matière encore méconnue et bien mal reconnue.
Le droit pénal constituait un enclos étroitement gardé par les États membres de l’Union européenne qui le considéraient comme un élément fondamental de leur souveraineté nationale et qui excluaient, à cet égard, tout transfert de compétence. Seul le niveau national était considéré comme efficace pour rendre effective « la chaîne pénale » (recherche des auteurs d’infractions, poursuites, jugement, condamnation). Le transfert de cette compétence au niveau européen aurait créé un lien trop distendu entre la réalité des faits délictueux et leur sanction.
Mais l’ouverture des frontières et la mise en place d’un marché unique a considérablement rebattu les cartes : si les citoyens de l’Union européenne, les marchandises et les capitaux pouvaient désormais librement circuler, la criminalité organisée aussi, profitait de cette libéralisation.
En effet, les mafias et les groupes criminels ont utilisé et utilisent encore les opportunités offertes par la libre circulation dans ses quatre éléments (marchandises, capitaux, personnes, services). Ils contournent la répression en profitant des contradictions entre les législations nationales des États membres, et cela d’autant plus facilement que ceux-ci ont des difficultés à adopter une définition commune du concept de criminalité organisée, concept qui varie selon les réalités historiques et culturelles de chacun.
Face à ce constat, les États membres ont dû consentir, avec plus ou moins d’enthousiasme, à des rapprochements législatifs et institutionnels pour dynamiser la lutte contre ce type de criminalité, concédant ainsi une diminution de leur souveraineté pénale.
La construction d’un arsenal juridique s’est fait, comme en toute matière au niveau européen, étape par étape.
Au départ, la coopération en matière de justice et d’affaires intérieures a pris la forme de réunions informelles en dehors des traités, entre ministres ou experts, à travers, par exemple, le groupe TREVI réunissant les ministres de l’Intérieur des États membres, chargé de favoriser le rapprochement des fonctionnaires de police et de participer à l’élaboration de conventions internationales dans les domaines judiciaire et de coopération policière’.
La prise en compte de la criminalité organisée par l’Union européenne résulte également de l’action et du rôle de certains « magistrats nationaux européanisés »3, qui ont été amenés à gérer de grands dossiers de criminalité transnationale. Ces magistrats « tournés vers l’Europe » constituaient une catégorie à part. Ils ont contribué au développement d’une action politique de lutte contre la criminalité en Europe et à la constitution d’un espace pénal européen notamment par l’Appel de Genève, lancé le 1er octobre 1996.
C’est le traité de Maastricht, signé le 7 février 1992, qui inscrit explicitement à l’agenda européen la question de la lutte contre la criminalité organisée, celle-ci restant subordonnée à la question de la Sécurité intérieure. Cependant, malgré quelques initiatives pour inscrire la coopération pénale dans le champ communautaire, la solution retenue sera son inscription au sein du troisième pilier, où prévaut la méthode intergouvernementale.
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