Le droit pénal du travail a connu une évolution considérable ces dernières années, avec le développement de la lutte contre le travail dissimulé, déclarée priorité gouvernementale depuis la mise en place d’un plan national d’action en 2004 et, plus récemment, avec l’ordonnance du 7 avril 2016 relative au contrôle de l’application du droit du travail. Toutefois, la matière n’en a pas moins gardé un esprit propre et des spécificités qu’il est important de rappeler : la fonction préventive du droit pénal y est particulièrement présente, du fait de la diversité des pouvoirs confiés à l’inspection du travail avant que celle-ci ne rédige un procès-verbal d’infractions. Les condamnations ont ainsi été, pendant longtemps, particulièrement rares et éparses.
Ce temps est révolu, en témoignent les pouvoirs de l’inspecteur du travail qui n’ont cessé de croître, au point qu’il puisse aujourd’hui être considéré à la fois comme juge, agent de police, pédagogue, conseiller, voire même, selon certains auteurs, partie prenante interne de l’entreprise. En outre, le nombre des agents chargés de mener des enquêtes et de constater des infractions n’a cessé de progresser. On dénombre donc, aux côtés des inspecteurs du travail et des URSSAF, la police judiciaire, les médecins et ingénieurs du travail, et même le Défenseur des droits et ses agents assermentés, mais aussi de nombreux agents de différents corps participant à la lutte contre le travail dissimulé. Si la spécificité et la proximité de ces agents justifient l’allongement de cette liste pour l’État en quête d’efficacité, il fait pourtant craindre pour la clarté et l’égal traitement procédural du justiciable.
C’est bien là – au lendemain du vote de l’ordonnance du 7 avril 2016 renforçant les prérogatives de l’inspection du travail – toute la question : ce renouveau du droit pénal social s’accompagne-t-il d’une protection renforcée des droits de la défense ? Certes, le respect du droit du travail par les entreprises est une priorité, tant pour la société que pour ses salariés. Mais, à l’heure actuelle, le constat est surtout celui de condamnations que d’aucuns jugent souvent incomprises par les employeurs, tant du fait de la complexité des textes, que des sanctions particulièrement lourdes parfois prévues°.
Au vu des quelques éléments de contexte que nous avons ici choisi d’exposer, il est important de souligner que le droit pénal du travail ne doit pas se développer au détriment du droit pour l’employeur de se défendre à égalité des « armes ». Ainsi, la condamnation, si elle est prononcée, doit être l’aboutissement d’un débat contradictoire entre l’accusation et la défense afin d’être comprise, tant par l’employeur que par la société, dans le respect des droits de la défense et de la protection des intérêts des salariés. En l’état actuel, l’enquête reste pourtant en grande partie subie par l’employeur, qui ne pourra contester les faits constatés par l’inspecteur que de façon limitée. Or, il n’est pas rare que ces mêmes faits servent au prononcé de condamnations multiples, et cela en violation des principes essentiels du droit pénal.