Flash info : action civile des associations et des syndicats professionnels à l’heure du Covid-19

Flash info : action civile des associations et des syndicats professionnels à l’heure du Covid-19

La presse s’est faite l’écho des plaintes d’associations de professionnels de santé à l’encontre de ministres dans l’exercice de leurs fonctions, ou bien encore de la saisine d’un Tribunal administratif et du Conseil d’Etat sur le fondement de la procédure de référé-liberté.

Quelles sont les conditions de recevabilité de l’action civile des associations (I) et des syndicats professionnels (II) ?

Répondre à cette question permettra de définir les moyens d’action de ces personnes morales au sortir de la crise sanitaire, lorsqu’il s’agira de déterminer les éventuelles responsabilités quant à l’anticipation de la pandémie du Covid-19 et de la gestion de la crise sanitaire que nous traversons.

 

     I. Sur l’action civile des associations.

 

L’article 2 du code de procédure pénale prévoit que « L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. »

Au-delà de la qualité de partie civile de la victime directe d’une infraction, les associations se voient reconnaître cette qualité grâce aux habilitations prévues par la norme législative.

Ainsi, les articles 2-1 à 2-24 du code de procédure pénale dressent une liste limitative des associations déclarées recevables à exercer les droits reconnus à la partie civile, en fonction de critères cumulatifs expressément indiqués.

Sont notamment habilitées à exercer une action civile : les associations de lutte contre les violences sexuelles ou les violences intra-familiales (article 2-2 du code de procédure pénale), les associations de défense et d’assistance de personnes malades, handicapées, ou âgées (article 2-8 du code de procédure pénale), ou encore les associations de lutte contre l’exclusion sociale ou culturelle des personnes état de grande pauvreté ou en raison de leur situation de famille (article 2-10 du code de procédure pénale).

La diversité des régimes de la constitution de partie civile tient à la nature des infractions concernées et les missions des associations. En fonction de leurs missions, celles-ci ne pourront pas exercer l’action civile dans les mêmes conditions : parfois, le code exigera l’accord préalable de la victime ; pour d’autres, le respect de conditions d’agrément ou d’ancienneté de l’association sera demandé, etc.

D’autres associations font l’objet d’une habilitation par d’autres fondements textuels que le code de procédure pénale, tels que les associations de protection des consommateurs, de défense de l’environnement, ou encore de défense des droits des femmes à accéder à la contraception et à l’avortement (article L.2223-1 du code de la santé publique).

Plus spécifiquement, et au regard de la crise sanitaire actuelle, une telle habilitation est prévue dans le domaine de la santé et de la prise en charge des patients.

Ainsi, la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé est venue reconnaître la possibilité, pour des associations ayant une activité dans le domaine de la qualité de santé et la prise en charge des malades représentant les usagers, le droit d’exercer les droits reconnus à la partie civile pour certaines infractions limitativement énumérées par le code pénal et le code de la santé publique.

La recevabilité de l’action civile de ces associations est soumise à plusieurs conditions tenant, tout d’abord, à l’agrément de l’association dans les conditions fixées par l’article L.1114-1 du code de la santé publique, d’autre part à l’accord de la victime et à l’infraction en question au sens de l’article L.1114-2 du même code.

Tout d’abord, l’agrément est prononcé sur avis d’une commission nationale, en fonction de critères spécifiques tels que la transparence de gestion de l’association, son indépendance ou encore sa conduite de formations.

S’ajoute une condition d’ancienneté de trois ans avec une activité effective et publique de celle-ci concernant certaines missions telles que :

  • La promotion des droits des malades et des usagers ;
  • La participation des personnes malades et des usagers à l’élaboration des politiques de santé et pour leur représentation dans les instances hospitalières ;
  • La prévention, l’aide et le soutien de personnes malades et usagers du système de santé.

L’article L.1114-2 du code de la santé publique fixe, quant à lui, les conditions tenant à la reconnaissance de la qualité de partie civile de l’association. Ces conditions sont :

  • L’accord préalable de la victime pour exercer les droits reconnus à la partie civile
  • La nature des infractions objets de la procédure : seules les infractions prévues au code de la santé publique, et les articles 221-6, 222-19, et 222-20 du code pénal (atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne) peuvent permettre aux associations de porter la qualité de partie civile.

La qualité de partie civile d’une association n’empêchant pas l’intervention, dans la même procédure, d’un syndicat professionnel agissant pour la défense de l’intérêt collectif de leurs membres[1], il n’est pas inintéressant de rappeler les conditions de l’action civile des syndicats.

 

     II. Sur l’action civile des syndicats professionnels.

 

Le législateur a investi les syndicats et ordres professionnels de la mission de défendre en justice les intérêts collectifs qu’ils portent.

                Concernant les syndicats :

Deux conditions doivent être réunies pour que la qualité de partie civile soit reconnue à un syndicat professionnel :

  • Être un syndicat au sens de l’article L.2131-1 du code du travail
  • Invoquer une atteinte à l’intérêt collectif du syndicat, qui ne peut se confondre ni avec les intérêts particuliers de chacun de leurs membres[2], ni avec l’intérêt général.

Tout syndicat peut se constituer partie civile, dès lors qu’il est reconnu comme tel juridiquement, peu important sa représentativité[3] ou le type d’individus qu’il représente (salariés, employeurs, etc.).

La définition du syndicat est fixée par l’article L.2131-1 du code du travail : « Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts. »

Un tel groupement peut se constituer librement (article L.2131-2 du code du travail), et ainsi garantir la défense des intérêts collectifs qu’ils portent, notamment en intervenant sur la scène pénale. C’est ainsi que l’article L.2132-3 du même code dispose, à propos des syndicats professionnels : « (…) Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. »

Tel que rappelé par la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, le syndicat professionnel peut agir lorsque le litige porte sur « une question de principe dont la solution, susceptible d’avoir des conséquences pour l’ensemble des adhérents, est de nature à porter un préjudice même indirect, fût-il d’ordre moral, à l’intérêt collectif de la profession »[4].

Pour que l’action civile soit recevable, il est nécessaire que l’intérêt de la profession particulière qu’il défend soit atteint : un lien direct doit donc être établi entre l’activité développée et le syndicat.

Seulement, cet intérêt collectif n’est point la somme des intérêts individuels de chacun des membres de la profession, et surtout, le préjudice subi par la victime de l’infraction et celui du syndicat doit être distinct.

L’intérêt collectif n’est pas, non plus, l’intérêt général : un syndicat ne peut défendre l’intérêt général que le ministère public a en charge de défendre.

De plus, l’action civile se cantonne précisément à l’intérêt collectif du syndicat. L’intérêt collectif d’une profession est obligatoirement enfermé dans des limites : l’action est irrecevable lorsque le syndicat sort des limites de son objet, dépasse les frontières de la profession représentée.

                Concernant les ordres professionnels :

Quant aux ordres professionnels, ceux-ci ne sont pas exemptés de la possibilité de porter la qualité de partie au procès pénal.

En effet, le syndicat, bien qu’il défende l’intérêt collectif d’un corps de métiers, peut ne regrouper qu’une partie infime de professionnels exerçant dans un secteur, contrairement à l’absorption de la profession en son entier de l’ordre, dont l’affiliation est obligatoire. Les ordres professionnels ont pour mission, à l’instar des syndicats, de défendre l’intérêt de la profession qu’ils représentent.

Comme pour les associations et les syndicats, l’appartenance à un ordre professionnel ne prohibe pas l’appartenance à un syndicat : l’action de l’ordre n’est donc pas exclusive de celle d’un syndicat.[5]

C’est ainsi que, concernant les professions médicales, l’article L.4122-1 alinéa 2 du code de la santé publique dispose que le conseil national de l’Ordre « peut, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession de sage-femme, de médecin ou de chirurgien-dentiste, y compris en cas de menaces ou de violences commises en raison de l’appartenance à l’une de ces professions. »

Concernant les ordres de pharmaciens, ceux-ci ont le droit d’exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de leur profession, y compris en cas de menaces et violences en raison de l’appartenance à leur profession (article L.4233-1 du code de la santé publique). Par exemple, est recevable l’action civile des syndicats d’agents hospitaliers pour violation du secret médical.[6]

Les mêmes dispositions que pour les médecins et pharmaciens sont prévues pour la profession d’infirmier (article L.4312-7 du code de la santé publique).

L’article L.4314-1 du même code ajoute : « Les groupements professionnels régulièrement constitués d’infirmiers ou d’infirmières sont habilités à exercer des poursuites devant la juridiction pénale en raison d’infractions relatives à l’exercice de la profession d’infirmier ou d’infirmière, sans préjudice de la faculté de se porter partie civile dans toute poursuite intentée par le ministère public. »

Associations, syndicats, ordres professionnels sont autant de formes de groupements qui pourront, au sortir de cette période de pandémie, être des outils juridiques d’intervention en réparation des préjudices subis à l’encontre de leurs intérêts.

[1] Crim, 24 mai 2016, n°14-25.210, en matière d’associations de lutte contre le tabagisme

[2] Crim, 11 mars 1999, Bull. n°89

[3] Crim, 6 février 1963, Bull. crim. n°69

[4] Crim, 22 octobre 1985, n°84-12.149

[5] Crim, 11 mars 1998, Dr. pénal 1998, Comm.106, obs. Maron (pour un syndicat de chirurgiens-dentistes)

[6] Crim, 27 mai 1999, Bull. n°109

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