Il y a six ans, Rémi Ochlik et Marie Colvin disparaissaient sous les bombes en Syrie. Les familles des victimes ont monté un dossier accablant plusieurs hauts dignitaires syriens. Mais aucune action n’est encore menée et les victimes attendent que justice soit faite.
Baba Amr, un quartier de Homs (Syrie), le 22 février 2012. Le centre de presse improvisé dans lequel viennent d’arriver plusieurs journalistes européens est bombardé. Le photographe français Rémi Ochlik et la journaliste américaine Marie Colvin y perdent la vie . Leurs confrères, blessés, parviennent tant bien que mal à s’enfuir. Edith Bouvier, reportère, est l’une d’entre eux. Ce lundi, au siège de la Fédération internationale des droits de l’homme, elle a tenu à lancer un énième appel à la justice française, accompagnée de plusieurs avocats représentant les intérêts des victimes.
Ce récit, elle le raconte sans relâche depuis six ans. «Je me trouvais dans un centre de presse, je faisais mon boulot, comme vous le faites tous les jours, commence-t-elle. Je recueillais des informations, je racontais le martyre des populations syriennes, assiégées dans ce quartier de Baba Amr à Homs. Sauf que le régime en avait décidé autrement.» La thèse du «mauvais endroit, au mauvais moment», elle n’y croit pas. Preuves matérielles, documents d’archives et témoignages le prouvent : le bombardement était «ciblé, prémédité et orchestré au plus haut niveau de l’État syrien» afin d’éliminer les journalistes internationaux venus couvrir la répression du régime.
En 2012, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire, confiée deux ans plus tard au pôle spécialisé dans les crimes de guerre. Le dossier, qui se trouve toujours entre les mains des juges d’instructions, est constitué d’éléments à la fois matériels et testimoniaux qui accablent très sérieusement plusieurs hauts dignitaires syriens, dont Maher al-Assad, frère de Bachar al-Assad. Récemment, un énième témoignage, provenant d’un ancien soldat du régime, a été recueilli.
«Les éléments apportés par l’intéressé [dont l’identité n’a pas été dévoilée pour des raisons de sécurité, ndlr] ont conforté des éléments qui figuraient déjà au dossier et qui montrent de façon claire qu’à la suite d’une émission faite par Skype par Marie Colvin dénonçant les bombardements des populations civiles, les services de renseignements syriens ont pu identifier le signal satellitaire. Ils ont ainsi réussi, avec l’aide d’une informatrice locale, à localiser le centre de presse. C’est ensuite de façon concertée et délibérée, partagée par plusieurs gradés, et non des moindres, que la décision a été prise de bombarder le centre», relate Emmanuel Daoud, avocat représentant les intérêts de Marie Colvin et de son photographe blessé, Paul Conroy. Une fois sortis du bâtiment, les journalistes rescapés ainsi que les civils qui les accompagnent, sont la cible de drones qui survolent la zone. «Quand on déploie ce type de moyens logistiques et militaires, ce n’est absolument pas le fruit du hasard. Le régime a délibérément voulu atteindre ces journalistes», conclut-il.
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Journalistes tués en Syrie : la justice française reste muette